Histoire des poneys
La scandaleuse affaire de l’injection de Mon Nantano
Fallait-il publier ces lignes dans les rubriques Anecdotes, Emotions, Histoires des poneys de l’élevage ou créer une rubrique spéciale rien que pour elles, tant le fait qu’elles relatent est scandaleux et nous a porté tort, au poney, à sa cavalière, au père de cette dernière et à moi son éleveur-propriétaire ? J’ai opté pour qu’elles commencent à alimenter la rubrique Histoires de mes poneys.
Après avoir remporté les trois premières D Elite Grand Prix de la Tournée des As de la saison (à Jau Dignac et Loirac, Pompadour et Laizé), Chloé Deschamps et Mon Nantano de Florys ont à nouveau gagné l’étape de Périgueux qui avait lieu du 9 au 11 mai 2008. De retour aux écuries après cette compétition, Chloé a indiqué à son père le lundi 12 mai puis encore le mardi 13 que le poney n’était pas comme à son habitude. De fait, le mercredi, le poney ne pouvait plus baisser l’encolure.
Mais laissons la parole à Antoine Deschamps, vétérinaire, père et entraîneur de sa fille Chloé.
« L’examen montre alors une déformation prononcée, chaude et douloureuse à l’encolure coté droit. Ce problème fait incontestablement penser à une injection intramusculaire profonde. Or le poney n’a reçu, depuis son arrivée à l’écurie en octobre 2007, aucune injection intramusculaire à droite. Par ailleurs, un autre acte de malveillance a eu lieu à Périgueux dans notre van : quelqu’un avait déféqué dedans…L’association de ces deux faits m’a immédiatement fait conclure à une injection malveillante avec intention de nuire. L’Entraîneur national Emmanuel Quittet et le propriétaire Guillaume Levesque sont immédiatement prévenus. Pourtant, nous gardons cet incident secret pour ne pas détériorer l’ambiance du circuit, par ailleurs excellente. Il est malheureusement impossible de déterminer quel produit a pu être injecté à Mon Nantano. Le box du poney sera désormais cadenassé jusqu’à la fin de la saison sur tous les concours. Notre seul souci à partir de ce jour est de traiter le poney avec plusieurs objectifs : le garder à l’entrainement et le traiter en respectant scrupuleusement les temps d’attente pour ne pas qu’il soit positif lors d’éventuels contrôles de dopage en compétition.
Les prises de sang (au nombre de seize entre le 14 mai et le 18 juillet) montrent toujours une forte infection et sont dans ce cas un très bon marqueur car toujours très en adéquation avec l’examen clinique : un nombre de globules blancs élevé a toujours coïncidé avec l’inflammation de l’encolure. Le poney est donc mis sous antibiotiques et anti-inflammatoire avec une bonne amélioration puisqu’il participe et gagne l’international de Moulin (15 jours après Périgueux). Nous pensons que tout est terminé et nous préparons l’international de Bologne (du 11 au 15 juin). Cependant, quelques jours avant le départ pour l’Italie, le poney présente de la fièvre, un abattement et du jetage nasal sérieux puis la déformation de l’encolure réapparait en profondeur, visible à l’échographie. Le concours de Bologne est inenvisageable. Le poney sera alors continuellement sous antibiotiques et anti-inflammatoire. L’objectif reste de participer aux championnats de France et de faire partie de l’équipe de France pour Avenches.
Mais le poney cessera de s’alimenter et présentera des ulcères d’estomac qu’il faudra également traiter. L’entraînement est suspendu pendant pas moins de quinze jours. Puis, le poney se remet peu à peu, après avoir perdu énormément de poids. De justesse, il aurait pu participer aux championnats de France à Lamotte, mais sélectionné pour les championnats d’Europe, il n’en a pas le droit. Nous connaissons la belle histoire d’Avenches…
L’amener à ce niveau dans ces conditions a été un vrai souci, un véritable stress et une grosse épreuve. Et c’est pour nous, je crois, un vrai exploit d’avoir, dans ce contexte, réussi ce challenge de participer aux championnats d’Europe et d’y décrocher la médaille d’argent en individuel. On sait que le couple a perdu la médaille d’or à moins d’une seconde sur le cross, mais je pense sincèrement qu’avec un entraînement normal jusqu’au bout et sans cette infection, il aurait très très facilement gagné cette petite seconde ».
Mais les conséquences de cet acte de malveillance ne s’arrêtent fort malheureusement pas là…
Après son exploit d’Avenches, Mon Nantano a été conduit dans un centre de congélation de semence : il devait en effet être distribué par le Syndicat Linaro en 2009. A la suite de son infection, des pustules étaient apparues sur ses testicules de manière assez importante. Les tests de congélation n’ont révélé la présence d’aucun spermatozoïde dans le sperme. Par ailleurs, pendant son séjour au haras, l’étalon a contracté une uvéite qui a été malheureusement mal soignée et après avoir énormément souffert, Mon Nantano a finalement perdu la vision d’environ 70% de son œil droit avec de très fortes chances de le perdre définitivement dans les années à venir. Après avoir quitté le centre de congélation, le poney a été conduit mi-septembre à la clinique de l’éminent spécialiste de la reproduction équine, le Docteur Betsch, où il est resté deux semaines. Il est opéré de l’œil droit sous anesthésie générale et des prélèvements de tissus sur les testicules ont été effectués en même temps. Il resta ensuite en soins intensifs 24 h sur 24 h pour son œil, avec des consignes de départ rigoureuses et des traitements à lui administrer pendant plusieurs semaines après avoir quitté la clinique.
Quant à la fertilité, il a été conclu à une dégénérescence testiculaire bilatérale sévère et sans doute irréversible, sans traitement ayant fait ses preuves. Et « l’existence d’une orchite bilatérale résiduelle en fin d’évolution et du passé infectieux chronique et récent du cheval rendent ces deux faits compatibles entre eux », indique le rapport du Docteur Betsch…
Après toutes ces souffrances et ces inconforts, les Deschamps ont récupéré un poney apeuré, terriblement amaigri et souffrant encore de son œil presque toujours à demi-fermé. Chloé était bouleversée. Il a fallu près de deux mois pour remettre Mon Nantano en état et lui faire reprendre le travail normalement sous la selle de la petite sœur de Chloé, Julia Deschamps.
Crédit photos : J. Counet / studforlife.com
Crédit photos : J. Counet / studforlife.com
Mon Nantano de Florys, l’infertile congelable !
Le diagnostic d’infertilité sans appel d’un grand vétérinaire en matière de reproduction équine, infertilité consécutive à l’injection malveillante que le poney a subie*, aurait dû me conduire à ne même pas retenter de prélever Mon Nantano de Florys. Mais c’était sans compter sur mon obstination : je pense que j’aurais fait reprélever le noiraud une fois par an pour contrôle…au cas où. Le fait est que j’avais du mal à ne pas faire de lien entre les pustules apparentes sur les testicules du poney, signe selon moi d’une infection capable de tuer tout spermatozoïde, et sa semence claire. Or les pustules disparaissant de plus en plus grâce au traitement local administré par Antoine Deschamps, mois après mois jusqu’en avril 2009 où les testicules n’ont plus présenté aucune anomalie, j’ai fait reprélever Mon Nantano après les championnats de France 2009 : l’analyse à révélé une semence magnifique, concentrée et remplie de spermatozoïdes fléchants, au-delà de tout espoir. Du coup, départ en novembre 2009 de l’étalon noir pour le centre de congélation où la semence a vite montré sa résistance au choc thermique. L’étalon soit-disant définitivement infertile a enfin pu être proposé à la monte en IAC. Mais bon sang, quelle histoire !
Noblesse, la perle des perles
Parfois, régulièrement plutôt – elle a pourtant disparu depuis longtemps maintenant – je repense à cette fabuleuse petite ponette grise : Noblesse, propre sœur de Nabor. Un genre de poney que l’on ne croise pas souvent : un caractère à part qui la rendait extrêmement attachante, une locomotion au trot hors du temps, un modèle chic avec des points de force, une tête et un œil à tomber par terre, et une aptitude et une intelligence à l’obstacle que je n’ai pratiquement jamais retrouvées jusqu’à présent chez un autre. En croiserais-je jamais une comme elle ? Quelle perte inestimable, quels produits, je m’imagine, elle m’aurait laissé toutes ces années durant…