logo du haras de flory
Haras de Florys - Bandeau de haut de page
Localisation  /  Contact  /  Livre d'or  /  English
Dialogues avec mes poneys

Dialogue avec Ialoubet

- Ialoubet, arrête STP.
- Arrête ? Arrête quoi ?
- Arrête cette mauvaise humeur, cette mauvaise tête quand tu sautes : les oreilles par vraiment en avant, le regard et la mine pas vraiment réjouis.
- Attends…déjà je saute encore à l’âge de 16 ans et il faudrait en plus que je souris ?
- Tu sautes, tu sautes…oui tu mets une vraie énergie, un coup de jarret voire de cul incroyable, mais si ta cavalière se trompe un peu, tu stoppes et essaies de la virer violemment. Drôle de caractère quand même !
- Drôle de caractère ? Alors là, je t’arrête tout de suite. J’ai, depuis toujours, fait preuve de beaucoup de patience et de sang-froid et continué à faire preuve des qualités que tu sais exceptionnelles à l’obstacle en dépit des difficultés dans lesquelles les jeunes cavalières que j’ai eues sur le dos entre mes 4 et 7 ans m’ont mises de manière régulière. Cependant, je continuais, pourtant peu expérimenté et encore fragile dans ma formation, à avancer. OK, j’étais un peu émotif, mais pas plus que cela, comme un bon cheval de sport doit l’être pour être réactif. Je pense que je n’ai aucune leçon à recevoir en ce qui concerne mon caractère qui a, au contraire, toujours été particulièrement conciliant, facile et de bonne composition…jusqu’à un certain temps. Et si je suis devenu comme ça aujourd’hui, ce n’est pas par hasard.
- Mais au-delà de ton père, qui est un étalon d’envergure mondiale, parmi les meilleurs des meilleurs, tu as une mère unique, absolument incroyable, formidable sauteuse, comme ton oncle Mon Désir A, une mère qui a aussi produit ton génial frère Jimmerdor, si connu et si performant. Tu as la chance d’être né de deux parents extraordinaires, ce qui est très rare et voilà ce que tu en as fait. Tu te rends compte en tant qu’éleveur l’immense gâchis auquel je dois faire face et l’insondable sentiment de frustration qui est le mien. Mets à ma place : je devrais t’accompagner et t’admirer sur tous les plus grands concours internationaux, te voir en haut de l’affiche lors de toutes les grandes échéances, et il n’en est rien, juste quelques victoires et classements en D Elite, GP et CSIP…ce n’est pas digne de toi. 
- Me mettre à ta place ? Mais c’est une plaisanterie ! Mais on rêve ! Ne renversons pas les rôles stp. A toi plutôt de te mettre à la place. Tu me parle de mes origines que peu de poneys ont la chance d’avoir. T’es-tu jamais interrogé sur la pression, à l’époque, que, couplées à mes démonstratives capacités de saut, supérieures en l’occurrence à celles de Jimmerdor, le nain dont tu parles,  ces origines ont mise sur mon dos par les personnes qui se sont occupés de moi en France dans les premières années ? Un traitement bien différent de celui que j’ai eu en Irlande quand j’avais 3 et 4 ans. Sois honnête, es-tu fier de ce que tu m’as offert comme formation sur les trois et quatre premières années tellement essentielles dans le devenir d’un futur athlète de haut niveau ? Referais-tu aujourd’hui les mêmes choix pour tes jeunes ? N’ai-je pas écopé de ton inexpérience dans la valorisation des jeunes en tant que premier poney D né de Florys ?
- Non mais bien sûr…je suis d’accord, je m’en veux beaucoup, évidemment. Bien sûr que je ne m’y prendrai pas du tout comme ça aujourd’hui et bien sûr que des erreurs fatales ont été commises. Cependant, j’ai essayé de rattraper les choses et une cavalière a fini par te montrer que vous pouviez y arriver ensemble en D Elite en tout cas.
- Oui et bien parlons-en. Après les deux jeunes qui ont fini par bien me faire peur et me planter, j’ai eu en effet une jeune fille qui, d’une part par sa gentillesse et d’autre part par sa fermeté en parcours pour me remettre dans le droit chemin, a réussi. Mais tu as vu comme j’étais là à ce moment-là ? Il ne t’a pas interpellé que le travail sur le plat et de musculation n’était pas à la hauteur d’un poney de Grand Prix ? As-tu jamais su que pour passer le cap des Grands Prix, on me faisait sauter à la maison les JO, à la force du poignet crispé sur la chambrière ? Pourquoi crois-tu que lorsqu’aujourd’hui encore on sort une chambrière juste pour me faire tourner gentiment à la longe, je deviens littéralement fou, jusqu’à ce qu’on se débarrasse de l’instrument ?
- Si…je sais, je l’ai appris, plus tard, des années après, ça m’a fait mal.
- Et pas autant que moi. Ma seule chance est la seule bonne décision que tu aies prise pour moi – ce fut d’ailleurs plutôt Valérie qui l’a prise – c’est de me passer sous la selle de Laurent Delebarre chez Véra Benchimol. Je n’ai jamais été aussi bien et ne le suis jamais redevenu ensuite. OK, j’étais trop nourri et bien trop en état pour être au top de ma forme en concours, mais j’ai été enfin dressé, bien travaillé, musclé, justement monté, avec talent. Véra et Laurent m’ont remis en très peu de temps sur le chemin de la compétitivité, de manière tellement convaincante que quelques semaines ou quelques mois après mon arrivée dans ces nouvelles écuries, ni plus ni moins que les championnats d’Europe étaient en ligne de mire concours après concours. Mais pourtant, tout le fonctionnement n’était pas parfait puisque Véra ne nous accompagnait jamais en concours : avec mon physique pas assez fit pour affronter le haut niveau, c’était un second morceau du puzzle qui manquait cruellement. Ainsi, lors de notre premier Grand Prix ensemble Laurent et moi, à Bourg-en-Bresse en mars 2009 ???, après notre magnifique sans-faute du premier jour, tu as eu l’imbécillité de laisser faire la maman de mon cavalier qui avait décidé, contrairement à ce qui avait été convenu, à partir dans le gros GP le lendemain au lieu d’assurer et de confirmer dans le petit – dommage que Valérie ne fut pas présente : elle n’aurait pas laissé faire ça et aurait attendu plusieurs bonnes performances en petit GP avant de voir plus grand. Conclusions : avec mon gros bide, et les mauvais souvenirs, encore frais sur les grosses barres qui sont remontés, j’ai pilé trois fois, au deux tiers du parcours. Pourtant, à ce stade, tout n’était pas encore irrattrapable et peut-être avais-je encore confiance en Laurent. Mais vous avez eu la mauvaise idée après la compétition de vouloir me refaire faire le tour hors concours et là, sans notre coach habituel, Laurent et moi sommes rentrés en conflit, comme avec mes précédentes cavalières : j’ai foutu Laurent par terre une bonne paire de fois et ce fut le début de la fin. Et la confiance, fragile, s’est rompue, et je ne la lui ai jamais redonnée, même à la maison pratiquement, car il m’avait montré que lui aussi pouvait me faire du mal.  
- Je sais tout ça, si tu savais le nombre de fois que je me suis refait le film dans ma tête, combien je regrette, même des années après, tout ce qui s’est passé. Tu es sans doute le meilleur poney que j’ai jamais fait naître. C’est un échec dont je ne me suis jamais remis. C’est pour t’expliquer à quel point je ne voulais pas m’avouer vaincu et que je voulais encor tenter d’y arriver avec toi.
- Oui, d’où mon passage chez Toni Conde-Ferreira sous la selle de Syndi Rigaut (dommage que je ne l’ai pas rencontrée dans les jeunes années, celle-là), puis sous celle de Tony Cadet, un cavalier pro breton qui m’a sorti en épreuves chevaux puis encore quelques semaines chez Bruno Brouqsault. Tous ont salué mon potentiel stupéfiant…mais ont conclu négativement sur mon mental rédibitoirement détruit (« Vous avez réduit son énorme cœur à un pois chiche »). Dommage pour toi, mais ce n’est pas de ma faute.
- Oui et c’est quant j’ai compris qu’il n’y avait plus rien à faire que je me suis dit qu’il fallait maintenant réussir ton autre carrière, au haras. Valérie et moi t’avons alors vendu au Syndicat Linaro.
- Oui, bonne décision qui m’a permis de rejoindre les HN où j’ai pu ne rien faire d’autre que saillir, en étant sorti de temps en temps en promenade sous la selle des gardes, parfois même à l’obstacle, sans problème car sans aucune pression sportive. Et qui, toi, t’a permis de rester maître de mon destin…
- Et que penses-tu, après trois années loin des terrains de concours, qu’à l’âge de 15 ans, on ait décidé de te remettre au travail chez Alizée Froment avec une toute jeune et petite cavalière de 11 ans puis une autre un peu plus âgée, pour, à partir de septembre 2011, rejoindre la selle de Florine Roussel qui n’est pas la première à ressentir de telles sensations sur les barres et croire qu’avec toi, tout est possible ?
- Une décision à l’image de ton obstination. Je te comprends. Cela suffit-il ?

Fin février 2012.


flecheRemonter en haut de page
Copyright - Mentions Légales